dimanche 7 avril 2013

L'intelligence, gage de bonheur?

     La lecture de Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes, m'a fait penser à un autre livre que nous avons dû lire pour Mme Muselle, écrit par Martin Page et qui s'intitule Comment je suis devenu stupide car ils traitent tous deux de l'intelligence et de son influence sur les personnes et sur le monde qui nous entoure.


 
KEYES Daniel, Des fleurs pour Algernon, éd. Flammarion, coll. "J'ai lu"
PAGE Martin, Comment je suis devenu stupide, éd. Flammarion, coll. "J'ai lu"
     En effet, Comment je suis devenu stupide est l'histoire d'Antoine, jeune homme de vingt-cinq ans très intelligent qui s'intéresse à tout mais ne se passionne pour rien et suit les cours universitaires qui l'intéressent, sans se soucier des disciplines parfois opposées auxquelles ils appartiennent. Il possède ainsi plusieurs diplômes universitaires (en araméen, en biologie et en cinéma), mais ceux-ci ne l'aident pas à trouver une place dans la société et à s'intégrer. Antoine est donc malheureux, et attribue cela à sa trop grande intelligence. C'est pourquoi il décide de devenir stupide, après avoir envisagé l'alcoolisme et le suicide.
     L"histoire de Charlie Gordon est à la fois semblable et opposée à celle d'Antoine. Opposée car Charlie entreprend la démarche inverse que celle proposée dans Comment je suis devenu stupide: de simple d'esprit, il devient un génie grâce à une opération cérébrale expérimentale. Opposée également car Charlie, malgré son handicap mental, s'était trouvé une place dans la société, certes pas très élevée, mais cela suffisait à le rendre heureux car il avait un métier qui lui plaisait et des collègues qu'il trouvait sympathiques, amusants, qu'il considérait comme des amis. Surtout, Charlie n'était pas conscient, avant son opération, de sa différence, tandis qu'Antoine est consciemment conscient de la sienne, et cela contribue à l'isoler du reste du monde.
     Mais semblable tout de même car aussi bien Antoine que Charlie ne sont pas heureux grâce à leur intelligence, qui les rend différents des autres et les isole. L'intelligence d'Antoine ne lui laisse pas une seconde de répit, son cerveau est assailli de questions sur tout ce qui l'entoure, et ce à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Charlie, lui, plaçait tous ses espoirs dans la réussite de son opération, pensant qu'être intelligent le ferait devenir une personne à part entière aux yeux des personnes qui l'entourent. Car avant son opération, il n'était pas considéré comme un être humain, mais plutôt comme une chose, un être inférieur et innofensif. Mais l'opération n'a rien changé à cela, au contraire. En devenant intelligent, Charlie est devenu une sorte de monstre pour ceux qui le connaissaient avant et qui ne comprenaient pas son changement subit, et une souris de laboratoire pour les chercheurs qui avaient mis sur pied l'opération.
     Semblable également car Charlie et Antoine ont tous les deux connus l'échec de leur démarche respective. Antoine a certes trouvé une place de premier choix dans la société, est devenu un agent de change millionnaire et courtisé, mais était dans le même temps accro aux antidépresseurs et a fini par se rendre compte qu'il n'était pas spécialement plus heureux en étant stupide et que, surtout, il était devenu un "sâle con". Charlie, lui, s'est vu régresser à un stade cognitif encore moins développé que celui qu'il détenait avant l'opération, et ce en raison d'effes secondaires imprévus et dévastateurs.
     On peut dès lors se demander, au vu de ces deux histoires, si l'intelligence est vraiment gage de bonheur. Notre société elitiste, en constante recherche de progrès, valorise cette caractéristique et tend à faire croire que l'on n'est heureux que si l'on a une bonne place dans la société et une bonne situation financière.
     Pour ma part, je pense que ce n'est pas tout à fait juste. Certes, avec un compte en banque bien garni et un métier bien reconnu socialement, la vie est plus facile, mais les personnes dans cette situation ne sont pas forcément heureuses, car c'est un peu trop vite mettre de côté les autres aspects de la vie, qui sont les relations amicales et surtout, sentimentales. En effet, parfois, on a beau avoir une situation fincancière plus que confortable, si notre situation amoureuse n'est pas au beau fixe, on n'est pas épanoui.
    De plus, je pense que, tout comme il existe plusieurs sortes d'amour, il existe plusieurs sortes d'intelligence. Chacun est donc intelligent à sa manière, et certains arrivent plus à en tirer profit que d'autres.
     Pour conclure, je reprendrai une citation de Nietzsche qui disait " L'intelligence est un cheval fou, il faut apprendre à lui tenir les rênes, à le nourrir de bonne avoine, à le nettoyer, et parfois à utiliser la cravache." Il revient en effet à chacun de nous d'apprivoiser son intelligence, d'apprendre à la connaître et à vivre avec pour qu'elle nous permette de nous épanouir.
     Pour ce qui est de l'éventuelle exploitation de ces deux livres en classe, je ne les utiliserai aucun des deux, si ce n'est un extrait de Des fleurs pour Algernon pour aborder la ponctuation, car j'ai trouvé le roman de Daniel Keyes un peu trop long par endroits et un peu trop difficile d'accès pour des jeunes entre 12 et 15 ans, et celui de Martin Page m'a paru complètement absurde, car bon nombres de situations décrites sont tout simplement aberrantes, improbables et surtout, ridicule (comme le fait de devenir millionnaire parce qu'on renverse une tasse de café sur son clavier d'ordinateur et qu'on réalise ainsi une transaction plus que juteuse... "Non mais allô quoi", s'il suffisait de cela pour devenir millionnaire, on le serait tous!).

1 commentaire:

  1. "De plus, je pense que, tout comme il existe plusieurs sortes d'amour, il existe plusieurs sortes d'intelligence. Chacun est donc intelligent à sa manière, et certains arrivent plus à en tirer profit que d'autres." Absolument Florence, intelligence vient d'"intelligere", comprendre... et pas uniquement les maths ou la littérature... Comprendre toutes les finesses du comportement humain peut s'avérer parfois bien plus utile socialement.

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