dimanche 5 mai 2013

D'un livre à un autre...


VERNE Jules, Le château des Carapathes, éd. Le Livre de Poche,1892

                                 

     Bram Stoker, avec son Dracula, a inspiré de nombreux auteurs. C'est évidemment le cas de Stephenie Meyer, auteure de la célèbre saga Twilight. Mais la lecture de ce livre m'a également fait penser à un livre que nous avons lu l'année dernière dans le cadre du cours de littérature de jeunesse: Le château des Carpathes, de Jules Verne.

MEYER Stephenie, Twilight, tome 1: "Fascination", éd. Hachette, coll. "Black Moon", Paris, 2005, 524 p.

     Dans Twilight, les allusions à Dracula sont explicites. On reconnaît par exemple très bien le Dracula séducteur en Edward Cullen, ainsi que dans les autres vampires masculins de l'histoire.
     Certaines caractéristiques des vampires sont également présentes dans la saga, comme le fait qu'ils ne supportent pas la lumière du jour, qu'ils ne se nourrissent pas comme les humains, que le sang est pour eux gage de jeunesse éternelle.
     Dans Dracula, lorsqu'une victime est mordue par le comte ou une autre créature de son acabit, elle devient elle aussi, à sa mort, cette créature diabolique qu'est le vampire.
     Bien sûr, Stepehnie Meyer a apporté certaines modifications à la version de Bram Stoker, elle a modernisé l'histoire du comte Dracula pour qu'elle devienne actuelle et qu'elle attire le jeune lectorat de notre époque. L'on peut dire qu'elle a largement atteint son but, notamment grâce à la modification la plus importante qu'elle a apportée à l'histoire: l'histoire d'amour si compliquée mais si romantique et touchante entre Bella, humaine qui n'a pas froid aux yeux, et Edward, vampire aux yeux et au sourire ravageurs.
     Pour ce qui est du livre de Jules Verne, les allusions à Dracula sont plus implicites et tiennent surtout au cadre dans lequel prend place le récit.
     En effet, l'histoire de Le château des Carpathes se déroule, comme son nom l"indique, dans les Carapathes (que l'on peut également écrire ainsi: Carpates), chaîne de montagnes  située en Europe de l'Est et s'étendant sur des territoires polonais, autrichiens, slovaques, hongrois, ukrainiens, serbes, roumains et tchèques et délimitant la région appelée Transylvanie.
     Le Dracula de Bram Stoker, comme nous le savons tous même sans lire le livre (grâce à la légende largement répandue dont s'est inspiré l'auteur) prend également place dans cette immense région qu'est la Transylvanie, et plus précisément sur un rocher surplombant le col de Borgo. Nous apprenons ceci au début du livre, grâce au journal de Jonathan Harker, dans lequel ce dernier retrace son voyage jusqu'au château du comte Dracula.
     Le livre que Jules Verne a publié en 1892 prend donc place dans cette région reculée de l'Europe de l'Est, quasiment inconnue pour la majorité des occidentaux à l'époque. La lecture de ce livre leur permettait ainsi de voyager en pensée et de découvrir, grâce aux nombreuses descriptions méticuleuses, très détaillées auxquelles se livre l'auteur, cette magnifique région.
       Le cadre de Le château des Carapathes, ainsi que de Dracula,  proposait au lecteur un dépaysement total qu'il ne propose plus tout à fait à notre époque, ce qui explique en partie le fait que Twilight ne se déroule pas en Europe de l'Est mais bien au nord des Etats-Unis. Il faut toutefois souligner le fait que le cadre dans lequel prend place la saga est également un cadre qu'on peut qualifier de reculé et sauvage, étant donné que l'histoire se déroule à Forks, petite ville de l'Etat de Washington à la frontière du Canada et non loin d'une réserve indienne.
     Pour en revenir au livre de Jules Verne, d'autres éléments rappellent le livre de Bram Stoker, notamment l'inquiétant château surplombant le village de Werst, habité par un prince devenu fou suite à la perte de son amour et ne sortant jamais de son antre, si bien que les habitants pensaient le château inhabité, jusqu'au jour où d'étranges événements s'y déroulèrent.
     Cependant, les ressemblances entre les deux livres s'arrêtent là, car s'il est question d'une sorte de magie scientifique dans Le château des Carpathes, il n'est pas question de vampires ou d'autres créatures fantastiques et maléfiques, à l'inverse de Dracula. On peut donc dire que Jules Verne a certainement été inspiré par le roman de Bram Stoker, mais qu'il n'a utilisé que la dimension géographique de l'oeuvre sans en prendre les éléments fantastiques et légendaires que nous connaissons tous.

mercredi 1 mai 2013

Dracula au fil des pages



STOKER Bram, Dracula, éd. L'école des loisirs, coll. "Classiques abrégés", Paris, 2005, 223p.
 

Avant la lecture

     Je ne suis vraiment pas emballée par cette lecture. Tout d'abord parce que le thème ne m'intéresse pas, je ne suis pas une grande fan des récits fantastiques, et encore moins des histoires de vampires... Il m'a d'ailleurs fallu trois ans avant de me décider à lire la saga Twilight, pour ne pas mourir idiote (bon, j'avoue, j'ai vraiment accroché à cette histoire pourtant assez niaise, et ce malgré la médiocre qualité de la traduction française. Le charme du bel Edward Cullen, alias Robert Pattinson, n'est peut-être pas étrangé à cet engouement de ma part...).
    Ensuite parce qu'il s'agit ici d'un classique abrégé, et que je crains que cela soit trop visible et qu'il ne manque des informations essentielles à la compréhension de l'histoire.
     Néanmoins, n'ayant jamais lu de récits sous cette forme, je suis curieuse de découvrir ce que cela donne et comment l'auteur s'y est pris pour essayer de reformer, à partir de morceaux choisis, un texte suivi et significatif.
     Et, deuxième aveu de ma part, je suis tout de même un peu curieuse de découvrir également l'histoire qui a inspiré, entre autres, Stephenie Meyer pour sa série vampirique.

Après 100 pages

      Comme je m'y attendais, je n'accroche pas trop à cet univers fantaisiste et quelque peu effrayant. (Oserais-je l'avouer? J'ai eu le sommeil légèrement agité après avoir lu presque cinquante pages d'affilée, dirons-nous...).
      Ce qui me perturbe surtout, c'est le fait qu'il s'agisse d'un abrégé. Je n'arrive pas à m'enlever cette particularité de la tête pendant que je lis. La chronologie de certains passages me heurte, c'est très visible à certains endroits que le texte a été retravaillé et que des passages ont été coupés. Cela rend la lecture plus découpée, moins logique. A ce stade, cela me gène fortement, mais puisque je dois continuer de le lire, je viendrai donc à bout de Dracula!

Après la dernière page

     Eh bien, finalement, je pense que j'ai été prise dans les filets de Dracula! La deuxième partie du livre est un peu plus mouvementée, ce qui fait qu'on accorde moins d'attention à la chronologie incertaine et aux passages "bancaux". J'ai été prise par le suspense, j'avais envie de savoir la suite. J'ai donc lu les cent dernières pages à une vitesse étonnante pour quelqu'un qui n'avait aucune envie d'ouvrir ce livre. Et, à mon grand étonnement, j'ai même envie de lire la version intégrale pour connaître la totalité de l'histoire et pour la comparer à la version abrégée! Mais je ne sais pas si j'y arriverai, car certains éléments de l'histoire me rebutent quand-même, malgré le suspense... On verra ça pendant les vacances! ;)

samedi 20 avril 2013

Sobibor, ou le secret des morts


MOLLA Jean, Sobibor, éd. Gallimard, coll. "Scripto", Paris, 2003


Résumé apéritif

     Sobibor, encore un livre sur les camps de concentration? Pas tout à fait. Car ce thème n'est pas le seul à être envisagé dans ce livre. Jean Molla, dans son récit, aborde aussi les thèmes de l'adolescence, des rapports parents-enfants, de l'anorexie, de l'image de soi, des secrets de famille dérangeants... Il s'agit donc ici d'un livre plus complexe qu'il n'y parait!
     Bien entendu, puisqu'il est destiné à un public jeune, Sobibor aborde ces différents thèmes de manière plus implicite, et surtout plus en adéquation avec ce que vivent et ressentent les adolescents d'aujourd'hui.
     C'est ainsi que nous découvrons Emma Lachenal, jeune fille de 17 ans en pleine crise d'adolescence et d'identité. Bouleversée par le décès de sa grand-mère, à qui elle tenait énormément, Emma va littéralement perdre pied et s'enfermer dans une bulle à laquelle ni ses parents ni Julien, son petit-ami, n'ont accès.
     La découverte, dans les affaires de sa grand-mère, d'un mystérieux journal intime ne va faire qu'aggraver la situation de profonde détresse dans laquelle se trouve la jeune fille.

Roman à la double narration

     Deux narrations s'alternent dans ce roman: celle faite par Emma, à l'époque actuelle, écrite aux temps du passé car Emma raconte des faits qui se sont déroulés dans un passé proche, et celle faite par Jacques Desroches des événements de la Seconde Guerre mondiale à travers le journal intime qu'il tenait lorsqu'il était officier dans le camp de Sobibor. La narration de ces parties se fait au présent, étant donné que les faits, bien qu'ils aient eu lieu il y a soixante ans d'ici, sont décrits au moment où ils se déroulent.
     Les deux narrations s'effectuent à la première personne du singulier. Ce choix d'une narration à la première personne n'est pas suprenant puisqu'on peut voir dans Sobibor deux journaux intimes, deux autobiographies mises en abyme. Cette technique permet de plus une meilleure connaissance des pensées des personnages principaux.
     La narratrice principale du récit est Emma. C'est par elle que nous découvrons progressivement les éléments de l'histoire, relatés dans une sorte de journal intime tenu par la narratrice, par lequel elle témoigne de ce qu'elle a appris au sujet de sa famille et les événements historiques concernant les camps de concentration. C'est en tout cas ce que laisse à penser le début du récit, principalement la première page, car Emma dit : " Je ne sais pas si je dois essayer de suivre la chronologie des faits ou m'abandonner aux souvenirs. Peut-être ferai-je un peu des deux, jusqu'à ce que quelque chose jaillise." Un peu plus loin, elle ajoute ceci: "Je n'ai jamais vécu ce qui va suivre, je n'en sais que l'essentiel. Les faits se sont-ils passés exactement comme je vais les relater? J'en doute fort. Mais est-ce ce qui importe en définitive? Je me suis raconté cette succession de scènes tant de fois que j'ai l'impression qu'elles font désormais partie de mon histoire. Ce sont mes souvenirs désormais." (pp.1-2)
     Le narrateur secondaire, Jacques Desroches, grand-père d'Emma, a vécu ces événements, lui. C'est par son journal intime qu'Emma les a découverts et peut dès lors nous les relater. Ce journal, dont certains extraits sont ajoutés au témoignage d'Emma, de manière à rendre vraisemblables ses dires, est celui d'un jeune français qui, à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, est séduit par les idéologies et discours nazis au point de s'engager à leurs côtés dans leur persécution des Juifs et leur conquête de l'Europe. La majorité des pages du journal de Jacques Desroches retranscrites dans ce récit est d'ailleurs très difficile à lire car elle témoigne de l'extrême violence et du traîtement inhumain que les nazis infligeaient aux déportés juifs.
     Ces deux narrations présentent donc des personnages totalement opposés, j'y reviendrai par la suite, et permettent également d'aborder les deux thèmes principaux développés par l'auteur: l'anorexie et les souffrances qu'elle cause à travers la narration d'Emma et les horreurs des camps de concentration à travers celle de son grand-père.
     De plus, la double narration mettent en lumière deux points de vue différents quant aux éléments narrés: d'une part celui de la personne ayant réellement vécu les faits dont il est question et les cautionnant, d'autre part celui de la personne qui les découvre près de soixante ans après et qui en est effarée car cette découverte représente pour elle l'effondrement de tout son entourage, de tout ce (et ceux) en quoi (qui) elle avait foi.
     Cette double narration s'arrête cependant peu avant la fin du récit, lorsqu'Emma comprend qui se cache derrière Jacques Desroches. La narration devient donc unique, confiée aux seules mains d'Emma, qui voit son grand-père lui révéler sa véritable identité ainsi que l'histoire l'accompagnant.

Sobibor, roman psychologique

     La psychologie des personnages, principalement celle des deux narrateurs, revêt à mon sens une importance capitale dans ce récit. La double narration instaurée par l'auteur permet d'ailleurs un meilleur accès à ces psychologies opposées et contribue à mettre en avant les différences entre les deux personnages principaux que sont Emma et Jacques Desroches.
     Sobibor est donc l'histoire d'Emma jeune fille de 17 ans (presque 18) issue d'un milieu bourgeois mais extrêmement mal dans sa peau. Comme elle le dit elle-même, elle n'accepte pas son corps de femme, voudrait passer inaperçue, voire même disparaître. C'est pour cela qu'elle a développé une anorexie assez sévère qui n'a fait qu'augmenter son malaise, en plus de mettre en danger sa santé. Cette phrase résume de manière limpide l'état d'esprit d'Emma par rapport à elle-même, à son corps, à son existence: " Je voulais me faire taire, une bonne fois pour toute." (p.22)
     Emma, comme de nombreux adolescents, est également en conflit avec la société et avec les adultes qu'elle provoque, en particulier ses parents, avec qui le contact est rompu, d'après elle. Ses relations avec son père sont très froides, distantes. Monsieur Lachenal ne sait pas comment se comporter avec sa fille qui n'est plus une enfant mais une femme en devenir, et cette dernière ne sait pas non-plus quelle attitude adopter vis-à-vis de son père. Ses rapports avec sa mère sont encore plus tendus, car Emma la provoque sans arrêt, l'attaque. Je pense qu'on peut dire qu'elle méprise sa mère, car elle la considère comme une "grosse volaille idiote" (p.26), une femme superficielle qui ne pense qu'à son apparence et à la réputation de sa famille.
      Emma est donc une adolescente en pleine crise identitaire, assez renfermée sur elle-même, fuyant les contacts sociaux et affectifs et ne s'acceptant pas en tant que femme en devenir. Toutes ces caractéristiques psychologiques ont été accentuées par la mort de sa grand-mère, seule personne de laquelle elle était proche, et la découverte des terribles secrets que cachaient ses grands-parents.
     Jacques Desroches, lui, est un jeune homme déterminé, égocentrique, hautain, fier, sûr de ses idées et bien dans sa peau. Tout le contraire de sa petite-fille, qui le présente d'ailleurs au début du récit comme un homme timide, cultivé, attentionné, bref, exemplaire.
     A la lecture de son journal intime, on constate cependant que Jacques Desroches n'est pas si sûr de lui qu'il le prétend, il est même plutôt influençable. Lui qui se disait intrépide, ne craignant rien, la débâcle de l'armée allemande à la fin de la Seconde Guerre mondiale le révèle tel qu'il est réellement: un froussard, un menteur et un opportuniste fuyant devant ses responsabilités. Tel est le grand-père qu'Emma découvrira au fil du journal intime de Jacques Desroches, grand-père qu'elle n'hésitera pas à juger et à dénoncer, au prix de la perte de ce dernier et de la perte des repères familiaux.

dimanche 7 avril 2013

L'intelligence, gage de bonheur?

     La lecture de Des fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes, m'a fait penser à un autre livre que nous avons dû lire pour Mme Muselle, écrit par Martin Page et qui s'intitule Comment je suis devenu stupide car ils traitent tous deux de l'intelligence et de son influence sur les personnes et sur le monde qui nous entoure.


 
KEYES Daniel, Des fleurs pour Algernon, éd. Flammarion, coll. "J'ai lu"
PAGE Martin, Comment je suis devenu stupide, éd. Flammarion, coll. "J'ai lu"
     En effet, Comment je suis devenu stupide est l'histoire d'Antoine, jeune homme de vingt-cinq ans très intelligent qui s'intéresse à tout mais ne se passionne pour rien et suit les cours universitaires qui l'intéressent, sans se soucier des disciplines parfois opposées auxquelles ils appartiennent. Il possède ainsi plusieurs diplômes universitaires (en araméen, en biologie et en cinéma), mais ceux-ci ne l'aident pas à trouver une place dans la société et à s'intégrer. Antoine est donc malheureux, et attribue cela à sa trop grande intelligence. C'est pourquoi il décide de devenir stupide, après avoir envisagé l'alcoolisme et le suicide.
     L"histoire de Charlie Gordon est à la fois semblable et opposée à celle d'Antoine. Opposée car Charlie entreprend la démarche inverse que celle proposée dans Comment je suis devenu stupide: de simple d'esprit, il devient un génie grâce à une opération cérébrale expérimentale. Opposée également car Charlie, malgré son handicap mental, s'était trouvé une place dans la société, certes pas très élevée, mais cela suffisait à le rendre heureux car il avait un métier qui lui plaisait et des collègues qu'il trouvait sympathiques, amusants, qu'il considérait comme des amis. Surtout, Charlie n'était pas conscient, avant son opération, de sa différence, tandis qu'Antoine est consciemment conscient de la sienne, et cela contribue à l'isoler du reste du monde.
     Mais semblable tout de même car aussi bien Antoine que Charlie ne sont pas heureux grâce à leur intelligence, qui les rend différents des autres et les isole. L'intelligence d'Antoine ne lui laisse pas une seconde de répit, son cerveau est assailli de questions sur tout ce qui l'entoure, et ce à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Charlie, lui, plaçait tous ses espoirs dans la réussite de son opération, pensant qu'être intelligent le ferait devenir une personne à part entière aux yeux des personnes qui l'entourent. Car avant son opération, il n'était pas considéré comme un être humain, mais plutôt comme une chose, un être inférieur et innofensif. Mais l'opération n'a rien changé à cela, au contraire. En devenant intelligent, Charlie est devenu une sorte de monstre pour ceux qui le connaissaient avant et qui ne comprenaient pas son changement subit, et une souris de laboratoire pour les chercheurs qui avaient mis sur pied l'opération.
     Semblable également car Charlie et Antoine ont tous les deux connus l'échec de leur démarche respective. Antoine a certes trouvé une place de premier choix dans la société, est devenu un agent de change millionnaire et courtisé, mais était dans le même temps accro aux antidépresseurs et a fini par se rendre compte qu'il n'était pas spécialement plus heureux en étant stupide et que, surtout, il était devenu un "sâle con". Charlie, lui, s'est vu régresser à un stade cognitif encore moins développé que celui qu'il détenait avant l'opération, et ce en raison d'effes secondaires imprévus et dévastateurs.
     On peut dès lors se demander, au vu de ces deux histoires, si l'intelligence est vraiment gage de bonheur. Notre société elitiste, en constante recherche de progrès, valorise cette caractéristique et tend à faire croire que l'on n'est heureux que si l'on a une bonne place dans la société et une bonne situation financière.
     Pour ma part, je pense que ce n'est pas tout à fait juste. Certes, avec un compte en banque bien garni et un métier bien reconnu socialement, la vie est plus facile, mais les personnes dans cette situation ne sont pas forcément heureuses, car c'est un peu trop vite mettre de côté les autres aspects de la vie, qui sont les relations amicales et surtout, sentimentales. En effet, parfois, on a beau avoir une situation fincancière plus que confortable, si notre situation amoureuse n'est pas au beau fixe, on n'est pas épanoui.
    De plus, je pense que, tout comme il existe plusieurs sortes d'amour, il existe plusieurs sortes d'intelligence. Chacun est donc intelligent à sa manière, et certains arrivent plus à en tirer profit que d'autres.
     Pour conclure, je reprendrai une citation de Nietzsche qui disait " L'intelligence est un cheval fou, il faut apprendre à lui tenir les rênes, à le nourrir de bonne avoine, à le nettoyer, et parfois à utiliser la cravache." Il revient en effet à chacun de nous d'apprivoiser son intelligence, d'apprendre à la connaître et à vivre avec pour qu'elle nous permette de nous épanouir.
     Pour ce qui est de l'éventuelle exploitation de ces deux livres en classe, je ne les utiliserai aucun des deux, si ce n'est un extrait de Des fleurs pour Algernon pour aborder la ponctuation, car j'ai trouvé le roman de Daniel Keyes un peu trop long par endroits et un peu trop difficile d'accès pour des jeunes entre 12 et 15 ans, et celui de Martin Page m'a paru complètement absurde, car bon nombres de situations décrites sont tout simplement aberrantes, improbables et surtout, ridicule (comme le fait de devenir millionnaire parce qu'on renverse une tasse de café sur son clavier d'ordinateur et qu'on réalise ainsi une transaction plus que juteuse... "Non mais allô quoi", s'il suffisait de cela pour devenir millionnaire, on le serait tous!).

jeudi 28 mars 2013

L'importance de la ponctuation!

"6 avril: Aujourd'hui, j'ai appris la virgule, qui est, virgule (,) un point avec, une queue, Miss Kinnian, dit qu'elle, est importante, parce qu'elle permet, de mieux écrire, et elle dit, que quelqu'un pourrait, perdre beaucoup d'argent, si une virgule, n'est pas, à la, bonne place. J'ai un peu d'argent, que j'ai, économisé, sur mon salaire, et sur ce que, la Fondation me paie, mais pas beaucoup et,je ne vois pas comment, une virgule, m'empêche, de le perdre.
Mais, dit-elle, tout le monde, se sert des virgules alors, je m'en servirai, aussi."
KEYES Daniel, Des fleurs pour Algernon, pp.61-62

     Ce texte est très difficile à lire, n'est-ce pas? Il montre bien à quel point la ponctuation est effectivement très importante dans un texte, notamment la virgule.
     Pourtant, lors de mon récent stage, j'ai remarqué que de plus en plus d'élèves avaient du mal à ponctuer correctement leurs textes, même brefs. Et ils en sont conscients, car quand on leur demande de relever les difficultés qu'ils ont rencontrées pendant la rédaction d'un texte, beaucoup pointent la ponctuation. 
     Je pense donc que cette matière ne doit pas être mise de côté par les enseignants, qui ont peut-être vite tendance à penser qu'elle a été acquise en primaire et qu'il n'est donc pas absolument nécessaire d'y revenir en secondaire.
    Au contraire, c'est une matière qui paraît simple mais qui ne l'est pas en réalité, et qui demande donc des rappels fréquents!
    Je trouve que ce court extrait très parlant pourrait faire office d'une introduction humoristique mais concrète à une leçon sur la ponctuation, et je m'en rapellerai lorsque je devrai aborder cette matière en classe.
     

dimanche 10 mars 2013

Bonjour Madame Smadja!

              

Qui est-elle?

     Brigitte Smadja est une petite (très petite, même) dame de presque soixante ans et d'origine tunisienne. Elle habite en France depuis qu'elle a huit ans et a fini par aimer ce pays d'adoption.
     C'est aussi un professeur de français qui a enseigné pendant de nombreuses années dans des écoles "difficiles" de Paris et sa banlieue, avec toujours la même motivation et la même passion pour le français et pour son métier. Elle enseigne d'ailleurs toujours, dans une petite école d'art à quelques pas de chez elle.
    Mais, comme dirait Bourvil, ce n'est pas tout, ce n'est pas tout! Brigitte Smadja est aussi une des auteures jeunesse les plus appréciées, et une vâleur sûre de la maison d'éditions L'école des loisirs, où elle a publié une quarantaine de livres à ce jour.
    Et comme quand on s'appelle Brigitte, et surtout Brigitte Smadja, on est un peu hyperactive, elle est aussi directrice de la collection "théâtre" de L'école des loisirs depuis bientôt vingt ans.
    Alors, récapitulons. Brigitte Smadja est:
- petite,
- tunisienne,
- française,
- professeur de français,
- auteure,
- directrice de collection,
- hypercative,
- motivée,
- motivante,
- passionnée,
- passionnante,
- bavarde,
- franche,
- époustouflante,
- incroyable,
- ...,
- ...,
- ...,
- elle, tout simplement!

Ses livres

     Comme je l'ai dit un peu plus haut, Brigitte Smadja est l'auteure d'une quarantaine de livres de jeunesse, mais aussi d'une dizaine de livres pour adultes et d'une pièce de théâtre (pour le moment, car avec Brigitte Smadja, il faut s'attendre à tout, mais surtout pas à ce qu'elle arrête d'écrire!).
     Parmi tous ces livres, certains sont légèrement ou totalement autobiographiques, certains forment des séries, ou des "cycles", d'autres sont uniques, "à part", mais tous sont signés Brigitte Smadja et contiennent son humour, son style vif, son franc-parler, ses personnages tous plus attachants les uns que les autres (à quelques exceptions près). 
     Pour ma part, j'en ai lu jusqu'à présent quatre, mais je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin!  
     Les livres que j'ai lu sont: La tarte aux escargots, Bleu, blanc, gris, Il faut sauver Saïd et J'ai hâte de vieillir.
     Les deux premiers sont les livres de Brigitte Smadja les plus autobiographiques parus à L'école des loisirs, et Bleu, blanc, gris est sa seule pièce de théâtre.
Tous deux racontent l'enfance de Brigitte Smadja, marquée par la mort de son père et le déménagement d'elle et ses frères, accompagnés de leur maman, en France.
     J'ai préféré Bleu, blanc, gris à La tarte aux escargots, malgré le fait que ça soit une pièce de théâtre et qu'il faille s'habituer à la lecture d'un récit sous une telle forme. Mais justement, parce que c'est une pièce de théâtre, j'ai eu l'impression d'entendre bien plus la voix de la petite Brigitte Smadja à travers celle de Lili qu'à la lecture de La tarte aux escargots.
     Cependant, le fait d'avoir lu ce livre avant Bleu, blanc, gris m'a donné de précieux indices et m'a permis d'accéder encore plus facilement à l'histoire que raconte Brigitte Smadja dans sa pièce.
     D'ailleurs, si je devais travailler ces livres en classe, je le ferai certainement en première secondaire et je le ferai lire à mes élèves en parallèle, grâce à un cercle de lecture, pour dégager les informations semblables dans les deux récits, celles qui se recoupent mais également celles qui diffèrent ou qu'on retrouve dans un récit et pas dans l'autre.
    De plus, cela permettra d'aborder l'écriture, ou plutôt la lecture, théâtrale avec une légère avance sur le programme, de manière à introduire cette façon de lire qui diffère de la lecture de récits classiques, qui paraît plus difficile mais qui est pourtant tout aussi intéressante et agréable.
     Quant aux deux autres livres, je les ai également appréciés, chacun à leur niveau.
J'ai hâte de vieillir car son personnage principal, une jeune fille de seize ans nommée Marie,me ressemble à son âge, et Il faut sauver Saïd car son sujet poignant m'a emportée et profondément marquée.

Sa collection

     La collection "théâtre" de L'école des loisirs a été créée par Brigitte Smadja en 1995. En presque vingt ans, la collection, sous la houlette de sa directrice, s'est étoffée de près de quatre-vingts ouvrages, rédigés par une cinquantaine d'auteurs aux styles différents. Ce qui a comme conséquence de proposer un catalogue complet et varié, où chacun est susceptible de trouver son bonheur.
     Les livres de la collection "théâtre" que j'ai lus sont Bleu, blanc, gris de Brigitte Smadja (évoqué plus haut), Les enchaînés de Philippe Dorin et Sa Majesté des Mouches adapté du roman éponyme par Nigel Williams.
     Je n'ai rien compris à la pièce de Philippe Dorin. Je m'abstiendrai donc de tout commentaire.
     Pour ce qui est de Sa Majesté des Mouches, je savais avant de le lire qu'il existait un roman du même nom et que cette pièce en était donc une adaptation, et je connaissais le début de l'histoire, mais je n'avais jamais lu le livre.
     J'ai donc découvert ce récit pour le moins étrange par le biais d'une pièce de théâtre, ce qui n'a certainement pas manqué d'ajouter une certaine dose d'étrangeté, voire de non-sens, à l'histoire, où à certaines parties en tout cas.
     Mon avis sur cette pièce est mitigé: je pense qu'il s'agit d'une bonne adaptation, mais n'ayant pas lu le livre dont elle est tirée, je ne saurais le certifier. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette histoire est poignante, surprenante, et qu'on ne ressort pas indemne de sa lecture.
     Cependant, cette lecture m'a donné l'envie de lire le roman de William Golding. Voici donc un livre de plus sur ma liste (déjà bien chargée) de livres à lire pendant l'été!

Notre rencontre

    Le 5 mars dernier, nous avons eu la chance de recevoir Brigitte Smadja à la Haute Ecole Charlemagne, dans le cadre du cours de littérature de jeunnesse.    
    Cette rencontre fut simplement magique! Quel personnage, cette Brigitte Smadja! Je ne la connaissais que de nom avant que Mme Centi nous mette au courant de sa venue à Liège, je n'avais rien lu d'elle, et je me suis rendue compte, grâce à cette rencontre et aux activités que nous avons dû préparer pour l'accueillir comme il se doit, qu'elle vaut le détour!
     Je voudrais d'ailleurs dire un mot à propos des activités que Mme Centi nous a demandé de réaliser. Je les ai toutes trouvées très intéressantes, aussi bien à réaliser qu'à découvrir. Je pense qu'elles nous ont permis d'approcher au plus profond les oeuvres choisies de Brigitte Smadja et/ou de sa collection "théâtre", de les comprendre et de nous les réapproprier. Je n'ai donc aucune récrimination, aucun regret ni aucune amélioration à apporter, si ce n'est une plus grande collaboration entre la section FLE et la section morale.
    En conclusion: cette rencontre a été un très bon moment, et sa préparation aussi!







dimanche 24 février 2013

Junk, ou la descente aux enfers

BURGESS M., Junk, éd. Gallimard, coll "Folio", 2009

      Résumé apéritif

      Junk est l'histoire de plusieurs adolescents, mais en particulier de Nico et Gemma, tous âgés de quatorze ans et tous deux originaires d'un petit village de la côte sud du Royaume-Uni. Le premier est fils d'un professeur qui le bat et d'une mère trop ivre que pour assumer son rôle de mère au foyer. Le seconde, sa petite amie, a des parents tout à fait normaux: la seule chose qui puisse leur être reprochée est qu'il sont peut-être un peu surprotecteurs.
      Un jour, après une énième correction infligée par son père, Nico décide de fuguer. Peu de temps après, Gemma, ne supportant plus ses parents démunis devant sa crise d'adolescence, le rejoint. Ils se retrouvent ainsi enrôlés dans un groupe de jeunes anarchistes squattant des maisons inoccupées et s'adonnant à d'autres activités illicites, telles que la consommation de stupéfiants et autres drogues.
     S'ensuit alors une longue descente aux enfers pour les protagonistes et pour leurs meilleurs amis de l'époque, Lili et Rob, dont certains ne sortiront malheureusement jamais. D'autres parviendront, lentement, difficilement, à remonter la pente, car comme on dit pour garder espoir: une fois qu'on a touché le fond, on ne peut que remonter.

Un livre, trois éditions, une adaptation

            

     Junk a été publié pour la première fois en version française 1998 dans la collection jeunesse de Gallimard, en grand format. Sur la couverture, une sorte de dessin/peinture dans les tons verts et mauve (très à la mode dans les années 90...) représentant une jeune fille en train de se faire un garot et fixant le spectateur droit dans les yeux. Le tout dans un certain flou artistique.
     Ensuite, vu le vif succès remporté par ce livre, Gallimard décide de le publier toujours dans la collection jeunesse mais en version "poche". C'est ainsi qu'il parait en 2002 dans la collection "Scripto", agrémenté d'une nouvelle couverture, sombre et très minimaliste, pas tout à fait adaptée à un jeune public, d'après moi. De plus, l'associations des couleurs n'est pas des plus heureuses, mais reflètent bien l'histoire, qui ne l'est pas non-plus.
      Enfin, en raison du thème abordé, dur, sombre, et pourtant de plus en plus actuel, malheureusement, de nombreux adultes ce sont intéressés à ce récit. C'est pourquoi Gallimard a décidé, en 2009, de le publier également dans la collection pour adultes, toujours en version poche. Ainsi, si on cherche Junk au rayon adulte, on pourra le trouver dans la collection "Folio" avec une couverture plus colorée, plus réaliste, et je dirais même un peu punk. 

       L'histoire inventée par Melvin Burgess a également été adaptée en un feuilleton pour la télévision anglaise, en 1999. Il n'est donc malheureusement pas disponible en version française, mais si vous n'avez pas un trop mauvais niveau en anglais et que vous êtes intéressés, les épisodes sont disponibles sur Youtube.

Mon avis

     J'avoue avoir ouvert ce livre avec des pieds de plomb, malgré l'engouement dont faisaient preuve mes amies qui l'avaient déjà lu.
     Je vous explique pourquoi: ayant commencé la lecture de L'herbe bleue et l'ayant abandonnée après quelques pages seulement car l'histoire ne me parlait pas du tout, je me suis dit "Pfff, celui-là, je vais devoir le lire jusqu'au bout, même si l'histoire ne m'intéresse pas du tout!".
     Et en fin de compte, j'ai été embarquée dès les premières pages par l'histoire de Melvin Burgess! Je pense que le style de l'auteur n'est pas étranger à cet engouement de ma part.     
     En effet, Melvin Burgess écrit de manière très jeune, très vivante. Son écriture est libre et on peut y déceler une grande sincérité. L'auteur n'hésite pas à s'adresser directement au lecteur pour l'intégrer au récit, pour le rendre acteur et non spectateur. Grâce à cela, il touche son public en plein coeur.
    Ainsi, pendant ma lecture, j'ai tour à tour été Gemma, Nico, Lily, Rob ou encore Sally, malgré que ces personnages sont plus jeunes que moi et ont une personnalité et des intérêts totalement opposés aux miens.
    Ce procédé a cet avantage de rendre le récit vivant pour le lecteur, qui se retrouve littéralement aspiré dans l'histoire, qui vit et ressent ce que vivent et ressentent les personnages, mais il a aussi certains revers.
     Le principal d'entre eux est le fait qu'il n'est dès lors pas toujours évident de faire la distinction entre la fiction et la réalité, et de se rendre compte du danger que constituent la drogue et la dépendance sous toute ses formes.
     Pour un lecteur mature, cela ne devrait pas trop poser de problèmes, mais un jeune lecteur, du même âge environ que les protagonistes, pourraient voir dans Junk un tout autre message que celui qu'il veut délivrer et s'intéresser de plus près à l'univers décrit dans ce livre.
     D'ailleurs, si je devais aborder ce livre en classe, je le ferai avec des classes de troisième année, pas avant, et certainement sous forme de cercle de lecture, car cela permettrait d'amener plus facilement et plus souvent le débat et de "surveiller", "guider" la lecture pour amener les jeunes à percevoir le bon message, délivré de manière peut-être trop implicite et ironique que pour permettre une lecture solitaire.
      Malgré tout, Junk reste un très bon livre, poignant et qui ouvre les yeux, à condition d'être lu de manière appropriée.