samedi 15 décembre 2012

Recette de La ballade de Cornebique

Marche à suivre pour obtenir une fable à la façon Mourlevat:

1. Prenez un animal sortant de l'ordinaire, ici un bouc qui chante, qui danse et qui joue du banjo, Cornebique;
2. Prenez un autre animal, celui-là en détresse, ici un petit loir, dernier représentant de sa race, Pié;
3. Prenez un troisième animal, fourbe et malfaisant, ici un peuple de fouines cruelles et affamées de petits loirs;
4. Prenez encore un quatrième animal, cette fois un peu loufoque et comique, ici le coq Lem, docteur de son état;
5. Mélangez le tout jusqu'à obtenir entre 150 et 200 pages;
6. Choisissez enfin un titre à votre fable. Soyez original, comme Jean-Claude Mourlevat, qui a joué sur les homophones "ballade" et "balade", le premier faisant référence au caractère musical de la narration car renvoyant aux récits musicaux du Moyen Âge et le second témoignant du chemin parcouru par les héros.
7. Voilà, c'est prêt! Servez votre création chaude et à des tout jeunes adolescents récalcitrants à la lecture, de préférence.

PS: J'oubliais, pour qu'il soit plus digeste, assaisonnez votre récit d'une bonne dose d'humour, d'amour et d'amitié!

Bonne dégustation! ;)

lundi 3 décembre 2012

La ballade de Cornebique, ou comment faire une fable de 180 pages!


MOURLEVAT Jean-Claude, La ballade de Cornebique, Gallimard, coll. "Folio Junior", 2003, 181pp.



   Désolée, Mr. Mourlevat, mais vous ne m'avez pas convaincue avec cette Ballade de Cornebique, loin de là!...
   Peut-être est-ce parce que je ne suis plus très sensible à la magie et à l'univers merveilleux de l'enfance, mais j'ai trouvé ce livre franchement niais, naïf, aussi naïf que la chanson dont le titre vous a, semble-t-il, inspiré celui de cette histoire.
   Un village de boucs, dont un, le héros, joue du banjo, un bébé loir dernier rescapé de son espèce dévorée par des fouines plus que cruelles, un coq amnésique se prenant pour un médecin, un royaume gouverné par une fouine microscopique terrifiant son peuple et les alentours, et tout ce petit monde qui se croise, qui se parle, ami ou ennemi... Franchement, tout cela est assez difficile à imaginer, surtout pour une lectrice de vingt ans!
   Vous allez me dire, La Fontaine a fait parler des animaux bien avant vous dans ses Fables et a eu le succès que l'on connaît, mais les Fables ont l'avantage d'être relativement courtes, variées et présentées immédiatement comme des parodies, des comparaisons ironiques avec des humains notables.
   Néanmoins, je vous accorde qu'un lecteur d'une dizaine d'années aurait certainement plus de chance d'apprécier ce livre à sa juste valeur que moi, qui ne suis déjà pas fort sensible à tout ce qui relève du merveilleux et qui échappe donc à une certaine logique.
   Et je vous rassure, je n'ai pas fait une croix ferme et définitive sur vos livres! Etant donné que trois d'entre eux sont au programme de notre cours de littérature de jeunesse, j'ai été amenée à lire L'enfant Océan, qui m'a nettement mieux plu! J'ai même de côté un quatrième opus, La balafre, pour vraiment me forger une opinion à votre sujet.
   Ainsi, le mot d'ordre pour le moment est wait and see... ;)

Ceci est un carnet de lecture. Mais encore?...

  




    Ceci est donc un carnet de lecture, comme Mme Centi nous a chargés nous, étudiants en deuxième bachelier littéraire de la Haute Ecole Charlemagne, de rédiger tout au long de cette année. Mais en fait, qu'est-ce qu'un carnet de lecture? Voici la réponse que nous donne Mr. Poslaniec, écrivain français spécialisé en littérature de jeunesse.

    Le carnet est un outil qui rend attentif à la langue, aux processus narratifs, et qui offre un regard sur son propre travail. C'est aussi un objet de culture, il concrétise un univers de références, il permet de créer un réseau de relations au sein du groupe, un partage d'expériences. Il a un rôle à jouer dans l'acquisition par les élèves d'une lecture experte, puisqu'il les entraîne à prévoir ce qu'ils vont lire et à établir des liens avec ce qu'ils savent déjà, à rétablir leur compréhesion, à se questionner et à se remémorer. Il soutient le travail d'individualisation nécessaire à la construction de la personnalité, et recueille ce que les oeuvres suggèrent aux élèves.
POSLANIEC Christian, 10 animations lecture au cycle 3, Paris, Retz, 2005, p.83
   
        J'ajouterai que Mme Centi le considère également comme un espace de liberté. Le but de ce carnet est que nous "vivions cette activité de l'intérieur pendant une année, afin de nous rendre compte de l'utilité (ou non...) de ce type de pratique pour accroître le désir et le plaisir de lire de nos futurs élèves, le désir et le plaisir d'écrire chez nos futurs élèves, le désir et le plasir de partager des avis, opinions sur les lectures."
        Et concrètement, qu'allons-nous devoir faire pour rédiger correctement ce carnet de lecture? Réponse de Mme Centi:

Consigne:
Vous devez créer un carnet de lecture/écriture personnel. Celui-ci ne pourra pas être privé, en effet les autres étudiants ainsi que le professeur pourront le lire et y inscrire des commentaires.
Ce carnet de lecture prendra la forme que vous désirez: carnet papier, blog, classeur,... Il devra avant tout être utile et fonctionnel; vous devrez l'avoir rapidement sous la main pendant ou après votre lecture afin d'y inscrire vos notes.

Si ce carnet est un espace de liberté, vous devrez néanmoins rédiger
- des liens, des comparaisons avec d'autres objets culturels (livres, peintures, films, etc.);
- des idées de leçon(s) et/ou de séquence(s) (de langue ou de littérature);
- des citations qui vous ont inspirées;
- des hypothèses de lecture (au stade de ma lecture, je pense que le récit va... ou que ce personnage va...);
- des avis de lecture (en faveur, contre la lecture de ce roman).

    En ce qui me concerne, j'ai choisi de rédiger ce carnet sous la forme d'un blog littéraire car je trouve ce moyen plus convivial qu'un carnet papier qui resterait chez moi et donc uniquement accessible à mon entourage proche, sauf lorsque Mme Centi nous demande de l'apporter en classe pour que chacun puisse le consulter.
   Le format informatique a également l'avantage de permettre une mise en page relativement facile et peu couteuse, aussi bien en argent qu'en temps, pour peu que l'on sache plus ou moins bien manier cet outil qu'est un blog sur internet, ce qui n'est pas tout à fait mon cas.
   C'est d'ailleurs une des raisons supplémentaires qui m'ont fait choisir ce format, car cela va, du moins je l'espère, me permettre d'apprendre à utiliser de manière plus approfondie cet outil devenu indispensable, Internet, et tout ce qu'il permet.
   Je ne vous cache pas que pour arriver au résultat que vous avez sous les yeux, il m'a fallu un certain nombre d'heures, une bonne dose de patience et surtout les explications lumineuses d'amis et membres de mon entourage plus doués que moi dans ce domaine. Je pense avoir également perdu quelques cheveux dans l'aventure, j'espère ne pas en perdre trop d'ici la fin de l'année... ;)
   Néanmoins, c'est avec un réel plaisir que je me lance dans cette aventure qui, je l'espère, sera à la hauteur des attentes!
   So, let's go! :)

dimanche 2 décembre 2012

À méditer...

"Je suis persuadé que nous sommes tous faits pour quelque chose, que chacun de nous porte en lui une capacité particulière, un talent unique, qui doit tracer son chemin vers sa place en ce monde, vers un sens à sa vie".
OLLIVIER Mikaël, Celui qui n'aimait pas lire

vendredi 30 novembre 2012

L'enfant Océan, ou le nouveau Petit Poucet

MOURLEVAT Jean-Claude, L'enfant Océan, Bayard, coll. "Pocket Jeunesse".

Résumé

   Il était une fois sept garçons, âgés de dix à quatorze ans et allant par paire, sauf le dernier, qui venait clore cette fratrie comme on clôt une phrase par un point. Ces garçons vivaient dans une bien sâle ferme avec leurs bien pauvres parents.
    Le plus jeune de ces septs enfants, Yann, n'avait pas été gâté par la nature. En effet, en plus d'être muet, il était d'une anormalement petite pour un enfant d'une dizaine d'années. Il était cependant de loin le plus intelligent de la fratrie.
    Une nuit froide de novembre, il surprend une conversation entre ses parents et réveille ses frères en catastrophe: il faut fuir! S'ensuite une longue épopée qui doit mener ces sept frères à un endroit précis: l'Océan.
    Tel est le thème de ce conte moderne que nous découvrons à travers le récit des différents protagonistes de l'histoire.

D'un conte à l'autre

    Comme il nous l'indique d'emblée par la citation précédant la première partie du livre et extraite du Petit Poucet, Jean-Claude MOURLEVAT s'est librement inspiré de ce conte de Charles Perrault pour conter cette histoire.
    L'enfant Océan peut en effet être perçu comme une version moderne du Petit Poucet, excepté le fait que le récit ne se présente pas de prime abord sous la forme d'un conte.
    Ainsi, point de "Il était une fois" comme formule d'ouverture ni de "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfant" en tant que chute. La chute en elle-même ne se rapproche pas trop des caractéristiques des contes.
    De même, nous ne sommes pas à proprement parlé dans l'univers du merveilleux, autre caractéristque des contes, car le récit est vraisemblable, tout peut s'expliquer par la logique.
   De plus, l'histoire ne se situe pas dans un passé imprécis, bien que l'époque à laquelle se déroule l'histoire n'est pas précisée explicitement. Mais des indices permettent au lecteur attentif de comprendre que l'histoire prend place dans notre époque actuelle.
    Par contre, d'autres caractéristiques importantes des contes sont présentes, soit expicitement, soit implicitement. C'est notamment le cas en ce qui concerne le schéma narratif propre à ce genre de littérature.
    Pour illustrer mes propos, voici une illustration de ce que pourrait être le schéma naratif de L'enfant Océan.
    La situation initiale est présentée ici dans les trois premiers chapitres du livre. C'est au cours de ces chapitres que les personnages principaux sont présentés et leurs relations expliquées. Le décor est planté, le contexte explicité.
    Ensuite survient, au quatrième chapitre, l'élément perturbateur: Yann entend une conversation entre ses parents et comprend qu'il doit fuir avec ses frères.
    Les chapitres cinq à quinze composent ce qu'on appelle les séquences, ou encore les péripéties, c'es-à-dire les actions entreprises par le héros pour atteindre son objectif. Ces actions découlent généralement d'un état de déséquilibre chez le héros survenu suite à l'élément perturbateur. Ici, on peut plutôt qualifier cet état de déséquilibre de malentendu, car le héros n'interprète pas correctement la discussion qu'il entend. 
    Enfin, la situation finale, où tout rentre dans l'odre, ou presque, survient à la fin du quinzième chapitre et fait l'objet des trois derniers chapitres du livre.
    Le schéma actanciel, ou plutôt les fonctions principales des contes, sont également représentées dans cette sorte de conte moderne.
    En effet, on retrouve dans le rôle du héros Yann, qui présente les deux caractéristiques principales des héros des contes: de petite taille mais d'une intelligence supérieure à la moyenne. À nouveau, on ne peut que faire le lien avec Le Petit Poucet.
    Ce héros poursuit un but, appelé dans le langage des contes "objet", qui est ici atteindre l'Océan.
    Les destinataires de cet objet sont Yann et ses frères, comme le sont le Petit Poucet et ses frères dans le conte éponyme de Charles Perrault. On retrouve comme destinateur le même souci que celui qui anime le Petit Poucet, autrement dit prendre soin de ses frères.
    Les adjuvants sont également représentés dans ce récit, comme par exemple le chauffeur de camion qui les prend en stop au début de leur épopée. Il en va de même pour les opposants, joués ici par l'industriel Mr. Faivre et son homme de confiance, Thierry Viard, chômeur de son état.
    Ainsi, malgré l'absence de merveilleux et le contexte actuel dans lequel s'insère le récit, Jean-Claude MOURLEVAT a fait de ce livre, L'enfant Océan, une adaptation personnelle, moderne et touchante du conte connu et reconnu de Charles Perrault.
    Je dis personnelle car l'auteur a intégré une dimension qui n'est pas présente, ou très peu, dans Le Petit Poucet: l'amour entre frères (et soeurs), et c'est cela qui fait de L'enfant Océan un conte merveilleux, tendre et émouvant.

    Si j'étais professeur de français...

   Si j'étais professeur de français (bientôt, bientôt...), j'utiliserais certainement ce livre dans une séquence consacrée aux contes.
   Je pense que j'amènerais ce livre à la fin de la séquence pour établir une comparaison entre ce livre et Le Petit Poucet, de Charles Perrault, ainsi que pour donner un exemple de ce qu'est une adaptation moderne d'un conte.
    Il me semble qu'un atelier de lecture autour de ce livre pourrait être envisagé, de manière à dégager petit à petit, chapitre par chapitre, une comparaison comme celle que j'ai réalisée ci-dessus.
    Si je devais donner une telle leçon, je procèderai sûrement de cette manière, en demandant aux élèves de se procurer le livre et de l'apporter en classe afin de réaliser ce travail de manière collective.
    Je pense de plus que je créerais des groupes de travail ayant chacun un thème précis à analyser, car cela mettrait en place un conflit socio-cognitif et permettrait l'élaboration d'une comparaison collective, dans laquelle chacun aurait eu son mot à dire.
   Bien entendu, la mise en place d'un tel dispositif dépend de la classe à laquelle il doit s'appliquer et des moyens à la disposition du professeur, mais si ces différents paramètres sont réunis de manière positive, je pense que cette méthode pourrait se révéler intéressante.
    À tester!

jeudi 29 novembre 2012

L'affaire Jennifer Jones VS À la brocante du coeur



CORMIER Robert, À la brocante du coeur, L'Ecole des Loisirs, coll. "Médium", 2002, 153p.
 
                                            


CASSIDY Anne, L'affaire Jennifer Jones, Milan, coll. "Macadam", 2006, 313p.


Après avoir lu ces deux livres, presque à la suite l'un de l'autre, il m'est apparu qu'ils traîtaient tous les deux d'un sujet semblable et qu'il serait donc intéressant de les comparer. C'est ce que je vais m'atteler à faire dans cet article.
    Mais tout d'abord, il me semble que le deuxième livre dont il est question n'ayant pas encore été présenté, un petit résumé s'impose


    À Monument, ville des Etats Unis, un crime vient d'être commis. La population de cette bourgade tranquille est bouleversée, d'autant plus que la victime est une petite fille de sept ans, Alicia Bartlett. Pour contenter l'opinion publique et apaiser la population, un coupable doit être appréhendé rapidement.
   Aux yeux de la police, ce coupable est tout désigné et n'est autre que Jason Dorrant, jeune garçon d'une douzaine d'années qui apparaît comme un marginal aux yeux de tous car pas très sociable et aimant la compagnie d'Alicia, beaucoup plus jeune que lui. Seul problème: Jason ne reconnaît pas les faits.
   Il faut donc faire appel à Trent, expert en interrogatoires et capable de faire avouer à n'importe qui le plus horrible crime, même quand le suspect est un petit garçon timide, affecté par la perte d'une personne qu'il appréciait et soucieux d'aider ce monsieur qui veut retrouver le coupable et qui sollicite son témoignange pour résoudre l'enquête.


  Voici donc la trame de ce très beau livre qu'est À la brocante du coeur.
   Pour m'assurer que ma comparaison soit claire et compréhensible, je vais également résumer en quelques lignes l'autre livre dont il sera question, L'Affaire Jennifer Jones.


   Alice Tully a dix-sept ans, un boulot de serveuse et un petit ami qui la protège.
   Mais Alice a également un secret, un secret très lourd qu'elle ne peut partager avec personne: elle a commis un acte très grave lorsqu'elle avait dix, le genre d'acte qui vous suit toute une vie, coûte que coûte, comme un fardeau que l'on ne peut déposer.
   Lorsqu'Alice avait dix ans, trois petites filles sont allées se promener près d'un lac aux alentours de Berwick Waters, village de l'Angleterre moyenne, mais seulement deux de ces petites filles sont revenues de la promenade.


   Le sujet choisi par les auteurs pour leur livre respectif est donc un fait divers tragique, horrible: le meurtre d'une enfant de moins de dix ans. Bien entendu, il ne s'agit pas du même fait divers dans les deux cas, et  chaque auteur va choisir d'exploiter ce thème d'une manière différente, ce qui va donner lieu à deux récits de prime abord semblables mais adoptant des points de vues et des déroulements de l'histoire divergeants. Tous les deux se focalisent sur le coupable ou présumé coupable, mais adoptent un point de vue totalement différent quant au destin de ce personnage principal.
    D'emblée, Anne CASSIDY réduit le suspense, le mystère instauré par le résumé de la quatrième de couverture en choisissant de baser son récit sur la vie du coupable après le meurtre, et principalement sur sa réinsertion sociale. Elle nous fait donc découvrir dès les premiers chapitres la vraie coupable et nous la présente comme une personne comme les autres, qui a droit, comme tout adolescente, à avoir un petit ami, à poursuivre des études, à avoir un job d'étudiant... Le seul suspense entretenu par l'auteur pour nous tenir en haleine, c'est le comment et le pourquoi du meurtre.
   Robert CORMIER, lui, en se focalisant sur l'enquête autour d'un présumé coupable, entretient le suspens jusqu'à la toute fin du livre. En effet, si la découverte du meurtre survient dans les premiers chapitres (au troisième, précisément), le véritable coupable n'est démasqué qu'à la toute fin du dernier chapitre.
  Voici donc la première différence entre les deux récits: dans le premier, le coupable est donné d'office, il n'y a donc plus le suspense de l'enquête et de la récolte d'indices jusqu'à la découverte du coupable, tandis que dans le deuxième, ce suspenses est entretenu du début à la fin, ce qui rend la lecture beaucoup plus attrayante: on ne peut pas lâcher le livre avant de savoir ce qu'il va advenir du pauvre petit Jason.
    La deuxième grande différence repose sur la psychologie des personnages. Il en est question dans les deux ouvrages, mais Robert Cormier va beaucoup plus loin dans ce thème qu'Anne Cassidy.
   En effet, si cette dernière aborde la psychologie de l'héroïne, ce n'est que pour nous la rendre sympathique, moins cruelle et pour nous expliquer en quelque sorte son crime, pour nous amener à ressentir de la compassion pour la coupable.
   Ainsi, Anne Cassidy explore la psychologie de Jennifer par le biais de la relation avec sa mère, qui, il est vrai, était très instable et n'était absolument pas à la hauteur de son rôle de mère. Cette relation a bien évidemment perturbé l'équilibre psychique de la fillette tout au long de son enfance, surtout vu l'absence de présence masculine dans le cercle familial.
   En abordant cette relation plus que néfaste et en nous montrant combien Jennifer adorait sa mère malgré tout ce qu'elle lui a fait subir, l'auteur nous donne des réponses au pourquoi du meurtre et tente d'expliquer, de mettre en lumière ce qui a conduit la petite Jennifer à faire ce qu'elle a fait, c'est-à-dire tuer une autre fillette de son âge. Cette analyse psychologique est certes pertinente dans un tel récit, mais elle aurait mérité d'être un peu plus poussée, recherchée, fouillée. Au lieu de cela, Anne Cassidy reste trop en surface, d'après moi, et ne se focalise principalement que sur l'époque du meutre et celle qui l'a précédée, c'est-à-dire la petite enfance de l'héroïne, or il aurait été intéressant de décortiquer ce thème à l'époque "actuelle" du livre, lorsque la coupable essaie de retrouver une vie normale à l'insu de tous.
    Robert Cormier, pour sa part, ne se focalise pas sur un personnage et un moment en particulier, mais nous livre une analyse psychologique de ce qu'est un interrogatoire d'un présumé coupable, et qui plus est d'un enfant, personnage très impressionnable et corvéable à merci.
   L'auteur de À la brocante du coeur va beaucoup plus loin dans le thème de la psychologie en nous dévoilant les arcanes d'un interrogatoire, les pièges tendus à l'interrogé pour le pousser à avouer un crime qu'il n'a peut-être même pas commis. Nous avons ainsi accès à une dimension des romans policiers rarement abordée et pourtant très intéressante: les méthodes d'interrogatoire.
   Ici, nous les découvrons par la pensée de celui qui mène l'interrogatoire, Trent. En effet, plutôt que de nous faire rentrer dans la tête de Jason, le pauvre gamin accusé injustement du meurtre, l'auteur nous fait entrer dans la tête de celui qui est chargé de faire avouer Jason, et nous avons donc accès au récit via les pensées, la vision de Trent. Cela rend le récit encore plus prenant, car c'est comme si nous suivions les pensées, le raisonnement de Trent en même temps que lui, ce qui permet de nous rendre compte de manière pour ainsi dire vivante des méthodes d'interrogatoire. 
    Robert Cormier nous montre clairement dans ce livre qu'un interrogatoire n'est autre qu'un édifiant jeux de logique et de manipulation et que même avec aucun élément crédible, véridique, aucune preuve tangible, il est possible, grâce à la psychologie et la "logique" de la rhétorique, de faire avouer n'importe quel crime à n'importe qui. Et cela fait froid dans le dos!
    Qui plus est, grâce à cela, l'auteur nous rend le présumé coupable baucoup plus sympathique que celui qui mène l'interrogatoire, qui nous apparaît comme un être sans coeur, sans compassion, aveuglé par son jeu de logique et obnubilé par la volonté de faire avouer la personne en face de lui, sans tenir compte du fait que ce n'est qu'un gamin de douze ans.
    Ainsi, Robert Cormier atteint plus son but qu'Anne Cassidy, qui n'est pas totalement parvenue à me faire compatir au sort de son héroïne. Tandis que dans À la brocante du coeur, plus on avance dans la lecture du récit, plus on est pris de compassion pour le jeune Jason et on espère de tout notre coeur que quelqu'un finira par se rendre compte qu'il n'a rien fait et qu'il faut le sortir de là, qu'il faut l'arracher des mains de l'horrible Trent. 
   Pour conclure, si je n'avais qu'un conseil à donner: lisez, si vous en avez l'occasion, À la brocante du coeur, mais ne vous jetez pas spécialement sur L'Affaire Jennifer Jones. Je pense que vous ne resortirez pas indemne de la lecture du dernier livre publié par cet écrivain trop tôt disparu. Vous ne regarderez plus les "Esprits criminels" et autres séries américaines de la même façon! ;)



 

jeudi 15 novembre 2012

L'Affaire Jennifer Jones, quelle affaire!




CASSIDY Anne, L'Affaire Jennifer Jones, Milan, coll. "Macadam", 2006, 313 pages
    


 Eh bien, moi qui pensait que j'allais publier un message dithyrambique sur ce livre tellement la couverture et le résumé m'emballaient, j'en suis pour mes frais!
   Car au lieu d'être LE coup de coeur de notre cours de littérature de jeunesse cette année, ce livre d'Anne Cassidy se révèle plutôt une grosse déception...
   Pourtant, je vous assure que j'ai tenu bon, page après page, en me répétant qu'il fallait que je sois patiente et que quelque chose d'inattendu allait se passer, mais j'ai refermé ce livre en attendant toujours que ce quelque chose qui viendrait rendre unique ce livre arrive...
   Et croyez-moi, il m'en coûte de tirer cette conclusion, mais il faut dire ce qui est: je n'ai pas compris le but poursuivi par l'auteur, le pourquoi du comment, et je reste avec de nombreuses questions sans réponse. Je suis complètement passée à côté du livre, ou bien c'est le livre qui est passé à côté de  moi, je ne sais pas... En tout cas, il n'y a pas eu la rencontre littéraire que j'escomptais, et j'en suis déçue.
   Cependant, je pense pouvoir attribuer cette déception au fait qu'à la lecture du résumé, je m'étais fait une représentation préalable de l'histoire, et cette représentation ne correspondait pas à ce qu'il se passe effectivement dans le livre.
    Je n'en dirai pas plus pour ne rien dévoiler à ceux qui ne l'auraient pas encore lu, mais j'aurai une demande à faire à ceux qui ont lu, compris et dès lors certainement plus apprécié que moi L'Affaire Jennifer Jones: aidez-moi à trouver la clé de lecture, à éclairer ma lanterne! Je ne demande qu'à le relire à la lumière de vos explications et qui sait, peut-être qu'après une deuxième lecture, je l'apprécierai à sa juste valeur...

lundi 8 octobre 2012

Lire est un bonheur... tout simple!


MURAIL Marie-Aude, Simple, L'Ecole des Loisirs, coll. "Médium", Paris, 2004, 206 pp.


Résumé apéritif

            La vie d’un étudiant n’est pas simple. Mais celle de Kléber, étudiant de dix-sept ans, ne l’est vraiment pas ! Vous allez comprendre pourquoi…
            Imaginez que vous êtes étudiant et que vous cherchez un logement pas trop cher dans une grande ville.
             Imaginez ensuite que vous avez à vos côtés un frère du nom de Simple, qui sait compter à toute vitesse : sept, neuf, douze, B, mille, cent, et qui dit « oh, oh, vilain mot !» lorsque quelqu’un jure. Imaginez aussi que ce frère a vingt-deux ans d’âge civil, mais trois ans d’âge mental et qu’il ne se sépare jamais de son complice de toujours, Monsieur Pinpin, qui va à la messe et oublie d’en revenir et qui « pète la gueule » quand on fait du mal à Simple.
            Imaginez maintenant que vous décidez d’habiter en colocation avec Winnie l’Ourson et Coco Lapin, et vous comprendrez pourquoi la vie de Kléber est très compliquée !

Avis

          Ce livre est tout simplement magnifique, formidable, remarquable, bref, à lire absolument! Non seulement il est touchant et très juste, mais en plus, il est rempli d'humour et très bien écrit.
          En effet, l'auteure utilise un niveau de langue accessible et a une plume très moderne. Vous allez me dire que c'est normal, étant donné qu'elle destine son livre à la jeunesse! Mais Marie-Aude Murail fait résolument partie de ces auteurs qui ne mâchent pas leurs mots et n'hésitent pas à bousculer leurs lecteurs en employant un vocabulaire très actuel, voire même vulgaire à l'occasion, en empruntant aux jeunes des expressions telles que "pêter la gueule" et autres... Par ce choix de vocabulaire, l'auteure prend réellement l'identité de son personnage, disparaît derrière celui-ci, ce qui contribue à rendre l'histoire plus crédible.
           De plus, Marie-Aude Murail aborde le thème délicat du handicap chez les adolescents avec beaucoup de tact, d'humour et de légèreté. En effet, par le biais de l'humour, elle fait du handicap du personnage sa force. Ainsi, loin d'être un récit lourd car rempli de commisération et d'appitoiement, ce livre renvoie au contraire une image très positive. A aucun moment, on ne s'appitoie sur le sort de Simple, qui est plus attendrissant et extrêmement drôle qu'autre chose. Nombre de ses répliques amènent au coin de notre bouche un sourire, comme c'est par exemple le cas dans ce passage (p.78) :
Simple s’assit sur un pouf et, le lapin à ses pieds, siffla d’un coup la jolie boisson.
-          C’est excellent, dit-il.
Enzo alla lui chercher une part du gâteau d’anniversaire.
-   C’est la tarte aux pommes ? demanda Simple en examinant son assiette.
Enzo regarda la génoise aux fraises et à la chantilly.
-          A première vue, non. Mais c’est peut-être une tarte aux pommes qui s’est déguisée.
Simple se mit à rire
-          Toi, tu es drôle
D’un index timide, il désigna Emmanuel :
-          Lui, il est bête.
Enzo s’accroupit devant Simple :
-          T’es pas si idiot que ça.
-          Je suis ton pote.

      Voilà, j'espère que ceux qui hésitaient encore jusqu'ici à lire ce livre sont désormais convaincus et qu'ils ne tarderont plus à l'ouvrir! Je pense que vous ne le regretterez pas. Et n'oubliez pas, comme me l'a écrit Marie-Aude dans mon exemplaire, "lire est un bonheur... tout simple"! ;)

vendredi 5 octobre 2012

Bienvenue! :)

   Et voilà, ce carnet de lecture est officiellement créé ! J'espère trouver beaucoup de plaisir à l'enrichir et le tenir à jour, tant pendant cette année que les suivantes. Ce projet me tient à coeur et je suis heureuse d'y participer, car je le vois comme une expérience positive et enrichissante. Je suis donc persuadée que mon souhait sera rapidement exaucé !
   Je voudrais d'ailleurs remercier Mme Centi, professeur à la Haute Ecole Charlemagne, de nous avoir demandé d'en créer un cette année, car sans cela, je n'aurais jamais pris l'initiative d'en ouvrir un moi-même. Pourtant, l'idée m'avait déjà effleuré l'esprit à plusieurs reprises... Mais n'étant pas très douée en informatique, je n'avais jamais sauté le pas. Voilà qui est fait !
   J'espère que ce blog sera un lieu de rencontre, d'échanges, de partage, de découvertes... En un mot, je vais faire mon possible pour le rendre convivial et intéressant. Verdict en fin d'année !
   Je vous souhaite donc la bienvenue, et une bonne visite ! Qu'elle vous procure beaucoup de plaisir!

Florence Piette, élève en 2ème bac Litt/Fle aux Rivageois.